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JOURNAL DE MARCHE OFFICIEL - BONNETOT GILBERT

Récit du Capitaine JULART

(Passage de l'historique du 60ème R.I. concernant cet épisode)
Depuis la fin du mois de janvier, on préparait la grande offensive du Chemin des Dames. L'offensive ici racontée par le Capitaine JULART du 23ème Régiment d'infanterie est une attaque typique de cette période. De ce côté, elle a en fait rencontré que peu de résistance. Les allemands furent surpris.

  • Le 16 avril 1917 / 4 h 45 :

    Une lumière pâle blanchit faiblement le ciel lourd de nuages. Depuis hier, 18 heures, les canons du 4ème régiment d'artillerie tonnent sans interruption. On dirait le roulement d'un tambour géant. Toute la nuit, vent et pluie. L'averse vient de cesser, mais le boyau est plein d'eau. On s'enfonce dans la boue jusqu'aux chevilles.

  • 5 h 30 :

    Au P.C. du colonel N..., grand, la taille svelte et bien prise, cheveux en brosse, moustache blonde, yeux clairs, les traits fins au ferme dessin ; physionomie d'intelligence et d'énergie. Il cause avec son adjoint et deux capitaines, jeunes gens gais, rieurs, déjà casque en tête, l'équipement mis et le ceinturon bouclé. La canne ferrée à la main, ils sont prêts à partir.
    Il y a quelques jours à peine, ils organisaient joyeusement une fête et montaient une revue dont leur esprit avait fait les frais.
    Dehors, le jour se lève peu à peu. Maintenant c'est une clarté blafarde qui s'étend sur la plaine grise. Les deux capitaines vont rejoindre leur compagnie. Le colonel leur serre la main. « C'est bien ! Allez ! Je vous rejoindrai là-bas. »

  • 5 h 45 :

    Dans la parallèle de départ, sous la pâle lumière du petit jour, les hommes sont accroupis à même la boue, au fond de la tranchée, adossés aux parois. Les uns dorment le casque sur le nez, la bouche entrouverte. Les autres, placides, fument une cigarette. Ce sont des jeunes, classes 16 et 15. Leur bonne figure colorée prend dans le sommeil une expression enfantine.

  • 5 h 55 :

    Tout le monde est debout le fusil à la main, baïonnette au canon, on boucle une dernière bretelle. D'un coup de main, on recule la musette et hop !

  • 6 h 00 :

    Sans bruit, sans un mot, les hommes montent sur la plaine en s'aidant des genoux, prenant le fusil que leur tend un camarade déjà grimpé. D'un pas vif, ils s'éloignent, la baïonnette haute vers la tranchée boche. Pas de cris de commandement. Par petits groupes, isolément, ils vont en silence, sans l'ombre d'une hésitation. Chacun sait où il doit parvenir et dans la pâleur froide du matin, s'y dirige tout droit.
    Les mitrailleuses crépitent. Les balles miaulent. Les obus rageurs craquent en déchirements effroyables. Une fumée noire et le vrombissement des éclats, de toutes parts... La vague avance toujours. Les hommes contournent tranquillement les îlots de fils de fer qui ont échappé au marmitage.

  • 6 h 30 :

    Sous le tir de barrage, le bataillon a franchi les 300 mètres qui le séparaient de la première ligne boche. Un obus vient d'éclater aux pieds du Colonel N... Deux de ses agents de liaison sont tués.
    Lui renversé, touché au pied, au bras et au côté. Les sifflements d'un crissement continu. Le fracas de la canonnade augmente. La plaine est fulgurante d'éclairs. Le commandant P... prend le commandement du régiment du capitaine A.
    A travers les fils de fer hachés dont il ne reste plus rien, les 2ème et 3ème compagnies occupent la tranchée allemande du bois de Séchamp, c'est à dire la dernière de la première position boche.
    Tandis que la 1ère compagnie nettoie à chaque tranchée franchies et renvoie à l'arrière 50 prisonniers.

  • 7 h 00 :

    L'horizon se dégage. La masse sombre du bois du Champ du Seigneur se détache dans le soleil. Le bataillon déployé comme à la manœuvre attaque la 2ème compagnie à gauche en direction de la corne nord du bois, et la 2ème compagnie au centre vers la corne ouest, et la 1ère compagnie au sud.
    Appuyé sur la gauche par le bataillon M... il marche de l'avant avec le bataillon D... ils ont le soin de nettoyer le terrain conquis ; des prisonniers, des mitrailleuses, des minenwerfer, sept pièces de 77, tel est le butin.
    Nous progressons vers le bois du Champ du Seigneur dont les organisations interdisent seules désormais l'accès de la deuxième ligne boche, la position intermédiaire est enlevée. On s'empare d'une mitrailleuse et de 50 prisonniers dont 20 officiers entre la 3ème compagnie et des groupements ennemis. On se bombarde de grenades à bout portant.
    En quelques minutes, la 3ème compagnie n'a plus d'officiers.
    Mais ses braves avancent toujours. 50 « Feldgrauen » dont 20 officiers sont faits prisonniers. La lisière extérieure du bois est occupée.
    Cependant, une autre compagnie du 23ème régiment, conduite par son chef le capitaine J... enlève successivement à la baïonnette une batterie de 130 ou deux batteries de 77, clouant les servants sur leurs pièces ou les capturant.
    Les boches s'enfuient vers les boyaux qui mènent à leur deuxième ligne. On les voit, larves grises ramper sur la terre blonde, se laisser rouler par-dessus les parapets tant ils sont pressés. Le capitaine P... commandant la compagnie de mitrailleuses, fait braquer en hâte ses pièces et, de son feu, roule, écrase sur place les larves qui n'ont pas eu le temps de se mettre à l'abri.

  • 7 h 20 :

    Le bataillon s'organise sur la lisière est du bois du Seigneur, et se prépare à attaquer la 2ème position boche. Elle emprunte ici la voie ferrée Reims-Soissons. Un glacis de 600 mètres environ de largeur nous en sépare. Les boches balaient de mitraille cet espace libre : 150210 s'y écrasent. Mais nous voyons avec joie nos 95 (4ème régiment d'artillerie) s'abattre sur les lignes ennemies et faire monter en l'air leurs colonnes de terre et de fumée. Le soleil comme une nappe d'argent en fusion, étincelle entre les nuages et répand sa fraîche lumière silice champ de désolation.

  • 7 h 50 :

    L'attaque contre la 2ème position est déclenchée. Par les boyaux, par la plaine, la vague progresse. Dans un boyau, une mitrailleuse boche continue à tirer. Un lieutenant s'élance. Robillard ! Crie-t-il à un de ses fusiliers-mitrailleurs qui se trouve à côté de lui jeune classe 16, mais solide Bourguignon taillé en force. Robillard, viens avec moi.
    Suivi du poilu, il saute dans la tranchée boche, à coups de revolver brûle la cervelle des trois servants et s'empare de la mitrailleuse. Elle ne gênera plus notre avance.

  • 8 h 20 :

    Voici la voie ferrée. Un talus de plus de deux mètres... « A la baïonnette ! »
    Le talus est escaladé. Rien de résiste. Les boches sont bombardés dans leurs abris (de vraies casemates), assommés, cloués sur les parapets. Toute la ligne est enlevée jusqu'à la hauteur de Loive.
    Les « feldgrauen » sortent de leurs niches et se sauvent, en levant les bras, à l'arrière de nos lignes. Le soleil, maintenant, dore la plaine et fait étinceler devant nos troupes, les murs blancs de Berméricourt.

  • 8 h 30 :

    Tandis qu'à droite et à gauche les autres régiments (23ème et 60ème) prononcent leur mouvement en avant, le 35ème régiment d'infanterie marche sur Berméricourt, son colonel en tête.
    Depuis le début de l'action, il mène le train avec sa première vague d'assaut. Il entre dans Berméricourt. On oublie les balles qui, brusquement miaulent aux oreilles. Les soldats trépignent de joie. 400 prisonniers prennent le chemin de Paris, pendant que quelques hommes poursuivent les boches en fuite sur les pentes de Brimont.
    A droite, le 60ème déblaie vaillamment le terrain devant lui.

  • 9 h 15 :

    Le soleil se cache. Les boches écrasent les tranchées et les batteries conquises. Mais la division s'organise sur le terrain qu'elle vient de si brillamment enlever, prête à résister à toutes les canonnades et à toutes les contre-attaques.


    En 3 heures, elle a accompli une avance de 3 kilomètres en moyenne et de plus de 4 sur certains points.
    Les trois vieux régiments qui, depuis l'offensive d'août 1914 jusqu'à la Somme en passant par la Champagne et Verdun, ont été de toutes les attaques et de toutes les gloires, viennent d'ajouter à leur histoire, une nouvelle page d'héroïsme.

  • Source:
    Journal de Bérméricourt: ECHO N° 27
    donné par Gérard BONNETOT à Paul BURLAUD
    représentant du Souvenir Français de Monétay




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